♠ Just a dream | Libre

Look at the red,
The red changes in the sky.

Was it a dream ?
La blanche observe les longs sillons qu'elle creuse dans le sable lisse et fin. Ses sabots, puissants mais pourtant légers, ne cessent leur mouvement de va et vient à une cadence mesurée, calculée, mais pourtant si naturelle. La tête haute, dressée comme un prince, ses yeux brillants comme les joyaux d'une couronne, elle scrute les environs. Au loin, la plage s'étend jusqu'à l'horizon, où le soleil s'abaisse déjà, projetant ses doigts géant sur les grains fins qu'il colore en orange à la manière d'une créature irréaliste avec des crayons de couleur. L'eau ondule doucement, le vent est frais mais le soleil réchauffe bien la tiédeur de l'air ambiant. Elle tourne la tête. Un mouvement l'interpelle un peu plus loin. Elle ralentit légèrement, presque imperceptiblement.
Là-bas, dans l'eau, il y a quelqu'un. Elle voit une tâche dorée. Elle hume l'air, comme un chien en chasse et ses oreilles jouent les girouettes, pensant entendre quelque chose d'ici.
Mais tout est trop loin. Elle avance alors encore un peu, attentive.

Dans un premier temps, Parody ne sentit pas la présence de la jument blanche, trop absorbée par ses réflexions qui n'était, à vrai dire, pas intéressantes et encore moins passionnantes pour y accorder du temps. La jument secoua la tête et eu la merveilleuse idée de boire l'eau, qu'elle recracha immédiatement en grimaçant. Elle le savait bien portant que cette eau est affreusement salée. Elle aurait bien de mal à se débarrasser du goût maintenant. Qu'elle imbécile ! Soudain, elle sentit enfin l'odeur de l'inconnue et se retourna, un grand sourire sur son visage, exprimant toute sa joie de rencontrer quelqu'un. Ce n'était pas un étalon, certes, mais elle ferait avec. Elle espérait juste que la jument ne serait pas comme ces snob qu'elle avait la fâcheuse habitude de croiser. L'alezane la rejoignit.

• Bien le bonjour ! Je m'appelle Parody, et toi ?

La salutation habituelle. Elle manquait cruellement d'originalité, mais qu'importe. Sa queue fouetta l'air en envoyant des gouttes d'eau un peu partout. Elle voulu rire mais se retint, ne voulant pas paraître complètement folle aux yeux de cette jument blanche qui semblait plus calme et posée.

Là-bas, la jument se révèle être alezane aux crins délavés et s'aperçoit vite de la présence de la blanche. Celle-ci plisse ses naseaux. Oui, c'est bien une jument. Elle grimace, mais décide de ne pas faire la difficile dès sa première rencontre.
Elle, hautaine ou snob ? Non, la blanche est tellement plus compliquée que cela. Fièrement naturelle et impétueusement revêche, la jument se fige. L'autre arrive à grands pas et le sourire niais qu'elle voit sur son visage arrache à la blanche un rictus amusé. On a dit pas désagréable, se rappelle-t-elle alors.
Elle incline la tête quand l'autre est juste devant elle, ses oreilles hésitant encore entre l'avant et l'arrière. " Bien le bonjour ! Je m'appelle Parody, et toi ? " Ses lèvres forment un sourire neutre. Celui que l'on a généralement quand on ne sait pas quoi dire. Le sourire qui n'en est pas un. Mais elle est certaine que pour cette jument, celui-ci passera. Elle lui semble si naïve, si faible... Après un bref et discret soupir, ses oreilles se dressent néanmoins, histoire de lui montrer qu'elle ne se désintéresse pas d'elle. ‹ Enchantée, Parody. › déclare-t-elle d'une voix claire. Oui, ce n'est pas franchement original non plus et peut-être encore moins franc. Mais elle est ainsi. Elle la scrute, la dévisage, mais chez elle, c'est naturel. Les étalons agissent ainsi et elle se maudit d'être une jument. ‹ Moi, c'est Nausicaa. › dit-elle alors d'un ton à la fois chantant et à la fois masculin.

La jument blanche se prénommait donc Nausicaa et dévisageait Parody d'une manière naturelle. Elle devait avoir tellement l'habitude de faire ce genre de chose qu'elle ne le remarquait probablement pas. Mais ce regard perçant dérangeait l'alezane qui n'en avait pas franchement l'habitude. Elle n'était pas assez jolie ni attirante pour être vraiment regardée par les étalons. Elle chercha alors quelque chose à dire pour masquer sa gêne mais ne trouva rien d’intéressant à dire. Le peu d'enthousiasme que présentait la jument blanche à son égard l'avait freiné dans sa joie de rencontrer quelqu'un. Elle eut un petit soupir presque inaudible et son regard devint neutre.

• Tu n'as pas vraiment l'air d'être heureuse de me croiser. Pardon d'être venue à ta rencontre.

Elle aurait pu partir mais une part d'elle même la poussait à rester, à espérait qu'elle s'était trompée dans son jugement sûrement hâtif. C'était beau de rêver. Que lui prenait-il ? Elle avait une jument en face d'elle ! Elle devrait la laisser planté là sans rien éprouver ! Mais non. Elle ne bougeait pas, attendant la réponse de la blanche. Le sourire qu'elle avait affiché quelques minutes auparavant avait complètement disparu.

La jument l'observe de ses yeux scrutateurs et remarque sa faute. Elle le remarque dans le comportement de l'alezane et détourne alors son regard brûlant de curiosité vers l'horizon, observant cette fine ligne rectiligne séparant ciel et terre. Quand la jument parle, la blanche tourne de nouveau sa tête vers elle. Bon, il va falloir s'y prendre autrement. C'est qu'elle est restée si longtemps seule...
Elle se racle la gorge et adresse un sourire fin à la jument prénommée Parody. Quel drôle de nom. Elle ne semblait pas jouer la comédie, mais que représente un nom, au fond ? Pas grand chose. ‹ Non, attends... ! Pardonne-moi, je n'ai simplement plus l'habitude de croiser du monde, je suis restée longtemps seule cette dernière année. › explique-t-elle alors, d'une voix qui détachée mais profonde quand même. Elle la regarde attentivement, pour voir si la jument va s'en aller et la laisser ; ou changer d'avis.

Les oreilles de Parody s'agitèrent lorsque la jument parla. Elle apprit ainsi que la jument n'avait pas vu grand monde depuis un certain temps, tout comme l'alezane. cette dernière n'avait, en réalité, jamais eu l'intention de partir, et n'était pas mécontente d'avoir prétendu le contraire. Cette stratégie marchait souvent, en général. Elle afficha un petit sourire.

• Ah, toi aussi ! A croire que les gens se sont tous volatilisés !

Elle songea après coup que ce n'était peut être pas ce qu'elle vraiment laisser entendre la jument blanche. Peut être que la solitude ne l'a dérangeait pas, au bout du compte. Tout le monde n'était pas aussi sociable que Parody.

• Mais peut être aimes-tu la vie en solitaire ?

Le jument alezane fit signe à la jument de la suivre dans l'eau tiède. Elle l'attendit, en tenant pas à se retrouver seule comme une imbécile en croyant être suivie.

La blanche incline sa tête affinée sur le côté, sa crinière immaculée dégringolant sur le côté droit dans une cascade de blancheur. Volatilisés ? Non, elle les a surtout fuis. Enfin, pas exactement.
Disons juste qu'elle n'en pouvait plus de rester là-bas chez elle où tout le monde lui rabâchait qu'elle n'était pas normale, qu'elle devait se comporter en jument normale. Mais la normalité n'a jamais attiré Nausicaa, qui a choisi alors de s'enfuir pour vivre sa vie face au danger, à l'adrénaline, à la liberté. Vivre au jour le jour. C'est devenu un slogan. L'alezane lui propose de marcher, et après une brève hésitation, la blanche prend le pas calmement à côté d'elle, la dépassant, ses membres franchissant les petites vagues créées par le vent qui souffle doucement. Elle ralentit pour l'attendre, tournant à peine la tête pour lui répondre : ‹ Oui, c'était par choix personnel et une décision de solitude, en effet. › répond-elle de sa voix forte et claire. Elle s'arrête quand l'eau arrive à son poitrail, ses yeux brillants de malice rivés sur l'horizon où les nuages s'accumulent. Elle dilate ses naseaux, captant l'air chargé de sel. Elle tourne alors sa tête vers la jument et esquisse un sourire. ‹ Mais tu n'as pas l'air d'aimer la solitude, pas vrai ? ›

Ainsi, la blanche était une solitaire dans l'âme. Bon, très bien, Parody savait à quoi s'attendre alors. En général, les solitaires étaient connus pour préférer le silence à la parole. Elle ne s'amuserait pas beaucoup avec cette Nausicaa, mais tant pis, elle ferait avec.

• Tu vois, j'ai du mal à vous comprendre vous autres solitaires. Tu préfères être toute seule plutôt que de rire avec des amis ? Affronter toute seule les épreuves de la vie ? Ne pas avoir le soutien de chevaux qui t’apprécient ?

Elle fit une pause, écoutant la question de Nausicaa. Non en effet, elle n'aimait pas la solitude. Être toute seule tout le temps, ce n'était pas une vie pour elle. Parody avait besoin de ses amis, de faire des rencontres, de rire, de parler.

• Effectivement. C'est une chose qui me dépasse. Ceci dit, il est vrai que je préfère être seule qu'avec des gens dont je n'aime pas le caractère. T'imagine, passer tes journées avec une jument égoïste au possible qui ne parle que de sa vie en longueur de journée ? Je crois que j'aurais des envies de meurtres au bout d'un moment. Mais c'est assez rare de rester plusieurs jours avec ce type de personne. On les voit venir de loin, et j'ai tendance à les fuir comme la peste.

Elle sourit.

Elle ne cesse d'étudier l'alezane. Celle-ci est bavarde, mais pas trop. Elle fronce les naseaux, les plisse, un peu étourdie par le fort air salé qui lui vient en rafale. Elle décide de se mettre dos au vent, et laisse ses crins lui camoufler en partie les yeux et le visage. ‹ Tu sais, il y a parfois des situations et des cas où il n'y a nul besoin de soutien ou de rires. Les gens ne vivent pas tous comme toi. › répond-elle premièrement, sans méchanceté, juste avec une désinvolture un peu fraiche. Elle l'écoute parler et soupire. Elle lui fait même un fin sourire. ‹ Eh bien, justement. Pourquoi s'embarrasser de rencontres mauvaises quand on peut se contenter soi-même ? M'enfin, je ne suis pas là pour te faire aimer la solitude, que chacun vive comme il le préfère ! ›